La perle du St-Laurent menacée

AnticostiPar Sophie Stival

Elle a appartenu à l’explorateur Louis Jolliet. Quelques siècles plus tard, c’est un chocolatier français qui succombait à ses charmes. De nos jours, c’est un immense parc de la SEPAQ.

Peu d’entre nous la visiteront un jour. Pour s’y rendre, il faut prendre l’avion ou faire une longue traversée. 

Vous avez deviné ? Il s’agit bien sûr de l’île d’Anticosti. Le paradis des pêcheurs, chasseurs et randonneurs.  

Aujourd’hui, la perle du Saint-Laurent pourrait éponger la dette du Québec, affirme la Coalition Avenir Québec (CAQ). En exploitant ses gisements de pétrole, François Legault espère qu’on pourra effacer les abus du passé. 

Doit-on s’en inquiéter ?

Mon père s’est rendu sur l'île d'Anticosti à six reprises. Il a canoté la rivière Jupiter presque d’un bout à l’autre. C’était il y a plus de 20 ans. Ses souvenirs sont encore vifs : une île peuplée de cerfs de Virginie, des saumons qui sautent des eaux cristallines, plusieurs points de vue à couper le souffle.

Des milliards en redevances

La plus grande île du Québec (près de 8000 km carrés) contiendrait selon des études plus de 40 milliards de barils de pétrole. La manne! Malgré un pourcentage d’extraction évalué à 10 %, on estime pouvoir récolter une trentaine de milliards de dollars en redevance sur une vingtaine d’années (pétrole à 100 $ le baril). 

L’extraction du pétrole de schiste d’Anticosti nécessitera vraisemblablement la fracturation hydraulique. Cette méthode est, on le sait, très controversée. On injecte des quantités d’eau importantes auxquelles on combine différents produits chimiques afin de fracturer sous haute pression la roche.

On s’inquiète avec raison des impacts environnementaux d’une telle méthode d'extraction. La roche sédimentaire qui forme une bonne partie des parois rocheuses d’Anticosti est friable. On se demande si le paysage résistera, si la faune et la flore seront touchées et si les nombreux cours d’eau et la nappe phréatique sont en danger. La déforestation est aussi une source d’inquiétude.   

Manque de transparence

Hydro-Québec a cédé ses droits d’exploration pétrolière d’Anticosti en 2008 à Pétrolia. Les détails de l’entente n’ont jamais été divulgués aux Québécois. Rien de tel pour alimenter toutes sortes de rumeurs. Comme dans le Plan Nord, le manque de transparence est ici en cause.

Dans le magazine Québec Science de février, l’anthropologue Serge Bouchard résume bien la situation qui a cours sur cette île depuis cinq siècles. Celle qu’on appelait Natashquan, « l’île où l’on chasse l’ours », n’abrite plus d’ours depuis longtemps. La faune et la flore ont été modifiées au gré des caprices humains.

Selon M. Bouchard, « nous ne savons plus rien de la forêt originelle de l’île, nous ignorons l’inventaire de sa faune. Il n’est plus de feuillus, plus de diversité. Mais on coupe encore et toujours du bois; on coupe du résineux en masse. Et quand on trouvera du gaz dans les schistes, ou du gaz naturel tout court (c’est plutôt du pétrole de schiste), ce ne sera pas long que l’île deviendra une plateforme pour sauter sur les richesses de l’avenir. (…) Nul ne protégera pieusement une beauté qu’il n’a jamais aperçue. »

Doit-on exploiter le pétrole de schiste d’Anticosti ? 

Pour découvrir cette beauté fragile :

Le site de la SEPAQ Anticosti (photos, vidéo)

Le site Internet d’un guide d’Anticosti (René Bourque) : galeries de photos

 

 

 

3 réflexions sur « La perle du St-Laurent menacée »

  1. Moi je suis allé travailler 3 automne sur cette île. Les paysages sont à couper le souffle. La faune aviaire et cynégétique comprend des espèces rares comme le pygargue à tête blanche et le saumon de l’atlantique. L’ile a déjà subis suffisament d’assaut comme la coupe forestière et l’introduction du cerf de virginie. Cette île est un immense laboratoire pour la gestion du cerf en surabondance en l’absence de prédateur.
    Une personne du ministère de l’environnement qui donne l’autorisation de faire du remblai dans une rivière à saumon sans autorisation écrite pour le transport de l’équipement de forage, c’Est louche. C’est l’une des premières lois que l’on nous apprend en biologie pour la gestion de la faune. Nul ne peut intervenir dans l’habitat du poisson(encore plus contraignant pour les rivières à saumon) sans l’autorisation écrite du ministère. Un autre décision de fonctionnaire douteuse d’autoriser ces travaux.

  2. Si il reste encore des endroits que l’homme n’a pas détruit, faisons en sorte de les préserver, quand je dit homme c’est toute la société qui doit se regarder dans le miroir, il n’y a pas que les grosse pétroliere et industrie minière qui polluent.
    Comme société nous gaspillons l’eau potable, nous continuons d’utiliser des produits nocifs pour nous et pour l’environnement, c’est pas l’industrie qui faut qui change, mais nous.
    Pourquoi dévélopper une industrie (pétrolière) qui est sur son déclin, pourquoi pas dévélopper des solutions électrique, ou tout autre source non polluante, mais surtout qui ne laisse pas de trace du passage de l’homme.
    Changeons nos habitudes et le marché devra s’adapter, combien de ville aujourd’hui non pas de Bac de recyclage, comparé à il y a 20 ans et même 10.

  3. Mon plus beau voyage à vie. Parce que j’ai partagé cette aventure avec mon fils qui a maintenant 22 ans et parce que les images sont imprégnées dans mon cerveau à tout jamais.
    Je ne vois pas comment on peut concilier exploration et exploitation dans un pareil endroit. Mais je ne suis pas un expert.
    Dit-on non à l’exploitation de pétrole non conventionnel (gaz de schiste) mais oui si l’on découvre des hydrocarbures liquides. Dit-on carrément non pour l’ile d’Anticosti, mais oui pour le sous-sol marin au large. Est-ce que c’est non pour l’Anticosti et les alentours mais oui pour la péninsule gaspésienne…
    En fait, ça prend une politique provinciale cohérente ! Bref ! Nous sommes déjà numéro 1 en hydro-électricité. Je pense qu’il faudrait se concentrer sur les énergies renouvelables et continuer d’importer notre pétrole quitte à maximiser les politiques de conservation d’énergie.
    Le danger des schistes bitumineux c’est que les réserves sont immenses et pourraient étirer notre dépendance aux énergies fossiles. En réduisant le cout unitaire d’extraction et en améliorant les procédés de pyrolyse, l’humanité pourrait être tenté par cette relative abondance et abandonner les recherches dans les sources d’énergie alternative.

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