Éliminer les criminels à cravate: ce n’est pas demain la veille!

Enquêter sur les nombreux contrats « douteux » que la Ville de Montréal, le Ministère des Transports et d’autres municipalités ont signés? À l’heure où nos gouvernements investissent des milliards en infrastructures, c’est plutôt opportun.

Mais qu’en est-il de l’annonce, plus discrète, de la création d’une escouade de six enquêteurs de la SQ chargée d’enrayer les fraudes financières? Ça semble bien peu de monde. Selon le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, il s’agit d’une simple « intensification » de la lutte.

Vous serez peut-être surpris d’apprendre que depuis cinq ans l’Autorité des marchés financiers (AMF) a plus que doublé ses effectifs d’enquêteurs-inspecteurs. Ils sont présentement 112 spécialistes à tenter de débusquer les malversations économiques.

La croissance du nombre de cas médiatisés est peut-être liée au plus grand effort qui est mis pour les dénoncer. Comme j’en parlais dans un texte précédent, cette hypermédiatisation des derniers mois a aussi favorisé la délation, ce qui est une bonne chose. Mais l’équipe de civils de l’AMF, si grande soit-elle, ne peut à elle seule élucider tous les cas de fraude au Québec.

D’autant plus que l’AMF identifie bien plus difficilement les criminels qui ne sont pas inscrits à ses registres (comme Earl Jones). Surveiller les milliers d’entreprises inscrites au Registre des entreprises du Québec qui offrent de semblants de services financiers n’est pas une chose simple.
 
Mais posons plutôt la vraie question. Est-ce que cette équipe de 6 enquêteurs fera une différence? Les intentions sont bonnes et ce n’est pas tant le nombre de policiers que leur formation et l’étendue de leur mandat qui importent.

Or, le crime économique est de plus en plus complexe. Pour comprendre la malversation et cueillir des preuves, il faut avoir aujourd’hui de solides connaissances financières et comptables, particulièrement en fiscalité. C’est bien beau de mettre sur écoute de présumés fraudeurs, mais encore faut-il être capable d’interpréter leur jargon.

Une équipe mixte pour contrer le crime économique? Bonne idée. Souhaitons que, chacun de leur côté, ces enquêteurs aient les coudées franches pour faire leur travail. Et qu’ils le fassent en collégialité. Sinon, je doute de la pertinence d’une telle escouade.

Mais n’oublions pas que pour frauder, ça prend des victimes. C’est aussi en éduquant la population, sur leurs droits et surtout sur leurs obligations d’épargnants que ce type de malversation sera mieux réprimé. L’AMF et le gouvernement le comprennent de mieux en mieux, heureusement.